Ce 26 novembre 2019, se tenait au siège de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Toulouse une matinée sur la thématique de la transformation numérique et de l’Open Source. L’occasion de découvrir d’autres sociétés utilisant les logiciels libres, qu’elles soient cliente ou prestataire, ainsi que d’aborder les freins à la conversion numérique par des retours d’expériences.


Partager l’article Petit résumé de la Matinée Transformation Numérique et Open Source sur les réseaux sociaux


Les présent⋅e⋅s

Organisé par So Libre, soutenu par Toulouse Métropole et ayant comme partenaires la CCI de Toulouse Haute-Garonne et Epitech Toulouse, cet évènement était l’occasion de connaître, dès l’accueil, avec les croissants et les jus de fruit, les entreprises membres de So Libre qui tenaient des stands sur place :

  • Amethys, qui propose des Solutions digitales pour l’Éducation et les Collectivités locales.
  • BlueMind, qui vous offre le choix de préserver votre indépendance numérique tout en développant celle de la France et de l’Europe vis à vis des acteurs hégémoniques américains. BlueMind est une alternative aux solutions de messagerie comme Microsoft Exchange, Office365 ou encore Gsuite. Leur produit semble très intéressant.
  • Human’s Connexion, est un bureau d’étude du numérique qui se dit au carrefour des agences web et ESN.
  • Kelis est un éditeur de logiciels, qui réalise notamment Scenari.
  • Makina Corpus (comme quoi je ne suis pas le seul à utiliser du latin), est une entreprise spécialisée en logiciels libres, en cartographie et en analyse de données. Personnellement, j’aime bien ce qu’ils font.
  • NS-Team propose des solutions CRM et ERP Open Source pour les PMEs.
  • Objectif Libre propose de vous accompagner dans vos projets de transformation Cloud & DevOps, avec des conseils, des formations, du support…
  • Smile se présente comme étant le leader européen de l’intégration et de l’infogérance de solutions open source.
  • SudoKeys est une ENL (Entreprise du Numérique Libre), spécialisée dans le système d’information.
  • XiVO qui propose de la téléphonie d’entreprise Open Source.

Une organisatrice nous invite à la suivre dans la grande salle voisine de celle où on était pour suivre la conférence qui allait commencer.

L’enjeu majeur des logiciels libres en Europe

Après un court discours d’introduction, on passe à l’un des évènements majeurs de la matinée, la conférence de Gaël Blondelle, vice président de la fondation Eclipse, sur « L’Open Source, un enjeu stratégique pour l’Europe, aussi au service des PMEs! ».

Déjà, pourquoi l’Open Source est-il un enjeu important tout court ? Comme le montre si bien Gaël dans ses slides :

Software ate the World…

…and open source ate software

Les logiciels ont dévoré le monde, et les logiciels sont dévorés par l’open source.

Comme la place du numérique (ou du digital, je ne vais pas entrer dans ce débat de linguistique), prend une place prépondérante dans toutes nos activités, et que les logiciels libres prennent une place de plus en plus importante, il faut y prendre part, d’une façon ou d’une autre.

Posons-nous un instant, et voyons la place que l’Europe occupe dans l’économie des plates-formes web. Pouvez-vous citer quelques grands noms états-uniens ?

Vous allez me dire les GAFAM (Google/Alphabet, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) mais peut-être aussi Paypal, Booking, Pinterest, Twitter

Bien. Il en vient tout de suite plein. Et tout ce petit monde représente 71% de la place sur le net mondial en 2018.

Et maintenant, les grands noms asiatiques. Vous voyez ? C’est un peu plus dur car ils sont souvent adaptés exclusivement pour le marché asiatique. Il y en a 3 grands : le chinois Alibaba, l’autre chinois Tencent et le coréen Samsung, mais on peut aussi citer le japonais Rakuten, le Google chinois Baidu

Selon vous, les géants asiatiques, regroupés, pèsent combien ?

Ils représentent 24% de la présence en ligne mondiale.

Vous allez me dire, OK, donc l’Europe représente le reste ? Qui est de… 5% ?

Vous faites erreur, car c’est oublier l’Afrique, avec le sud-africain Naspers, qui représente un poids de 1%.

Ce qui reste, les 4%, est trusté principalement par l’allemand SAP, les autres ne sont que des confettis en comparaison, comme son compatriote Zalando, le suédois Spotify, les russes Yandex et mail.ru, BGL, l’allemand Wirecard, etc.

4%. L’Europe ne pèse absolument rien au niveau mondial, et la France encore moins.

Il faut donc éviter la domination états-unienne et asiatique (chinoise et coréenne) pour arriver à tirer notre épingle du jeu et être moins dépendant. Les logiciels libres peuvent être un des leviers utiles à ce changement désiré, pour peut-être voir émerger des PMEs qui deviendront un jour, qui sait, aussi incontournables qu’un Apple ou un Google.

Rappelons les 4 libertés fondamentales qui définissent un logiciel libre :

  1. La liberté d’utilisation. On peut utiliser le logiciel pour tous les besoins.
  2. La liberté d’étudier. On peut étudier la manière dont le logiciel fonctionne et le changer pour un besoin précis.
  3. La liberté de partager. On peut redistribuer les copies du logiciel.
  4. La liberté d’améliorer. On peut améliorer et distribuer à son tour des copies modifiées du logiciel.

Ces 4 libertés permettent, notamment pour les PME qui ont moins de ressources, de ne pas partir de zéro avec de l’open source. Ce qui représente un coût bien moindre que de tout réaliser. Coût diminué en temps, et en argent.

Le problème réside déjà dans le manque de visibilité et de clarté publique. Il faudrait que les gouvernements des différents pays Européens obligent l’utilisation de l’Open Source dans les administrations, pour insuffler une dynamique dans le privé.

Cela permet aussi d’avoir une autonomie et une souveraineté sur la gestion des données publiques, en créant, qui plus est, de l’emploi local dans le privé pour répondre aux appels d’offres des administrations.

Or il n’y a pas un consensus clair homogène au niveau européen.

Le contraste est d’autant plus fort qu’il y a une grande communauté de développeur⋅euse⋅s Open Source en Europe. Les différentes fondations Open Source sont largement représentées en leur sein par des Européen⋅ne⋅s, rien que dans la fondation Eclipse, elles et ils sont environ 50%.

Ce slide de Gaël enchaîne ensuite avec un mitraillage de chiffres intéressants :

Le marché de l’Open Source représente plus de 4 milliard d’Euro en France, Royaume Unis et Allemagne en 2017, et représente l’embauche de 8200 personnes en France en 2019. C’est un marché qui représente plus de 10% du marché des technologies en France avec une croissance de 8% par an. L’Open Source est vu comme étant stratégique par 71% des entreprises.

Et ses chiffres me parlent car j’y suis confronté depuis le début de ma vie active. Les entreprises dans lesquelles j’ai travaillé, ont utilisé, et utilisent encore, des solutions basées sur les logiciels libres à tous les niveau ou presque.

Gaël fait un rappel important sur l’initiative Publiccode.eu, dont le mot d’ordre est simple : Public money, Public code. Je pense que ça se passe de traduction.

La conférence de Gaël va ensuite plus loin sur la dimension Open Source. Je ne vais pas tout reprendre ici, car le mieux est d’encore d’assister à une de ses interventions.

Je vais néanmoins m’attarder sur ses conclusions.

Parmi ses conclusions, il nous interpelle via les aspects économiques :

  • Comme le stipule la définition d’un logiciel Open Source (vue plus haut), on peut très bien vendre un produit qui étend un logiciel libre existant, vendre des projets utilisant de l’Open Source ou bien vendre un appareil tournant grâce aux logiciels libres.
  • On peut vendre tout simplement l’expertise qu’on a dans l’Open Source.
  • On peut vendre l’accès à une infrastructure et/ou des souscriptions de support à de l’Open Source.
  • Réduction globale des coûts grâce aux nombreuses solutions Open Source gratuites.

Vu qu’on ne part pas de zéro avec l’Open Source, cela permet aux PME d’accéder plus rapidement et facilement à de nouveaux marchés, de recruter et d’innover.

En petit plus, durant la rédaction de cet article, une étude de Google et YouGov signalée par le Blog du Modérateur présente des chiffres intéressants sur le net et les PME : 1 PME sur 3 n’a pas de site internet, 60% ne gère ni le SEO ni le SEA… Et en parallèle, les dirigeant⋅e⋅s/décideurs de PME envisagent la croissance de leur entreprise comme une priorité pour 2020 et près de 50% des entreprises sont en recherche de clients. À méditer.

Enfin, Gaël nous conseille de bien faire attention aux problématiques légales, il faut gérer la propriété intellectuelle et choisir une licence en fonction de la stratégie de l’entreprise. Et pour ça, il ne faut surtout pas avoir peur de se faire aider, via des prestataires de service ou des fondations du monde Open Source.

À la fin de la conférence de Gaël, nous passons par une pause dans la salle des stands.

Table ronde sur les retours d’expérience

Des différents échanges, on peut retenir en gros les points suivants :

  • La recherche de la transparence. prise de conscience progressive à l’instar de ce qui se passe dans l’agro-alimentaire : tout comme les aliments, on veut savoir d’où ça vient et comment c’est fait. Ce qui permet de préserver l’or de l’entreprise : ses données.
  • pragmatisme et adaptation : les solutions qui collent le mieux aux besoins du moment de l’entreprise, libre, ou non. Il faut suivre l’environnement dans lequel on évolue principalement. Si les prestataires utilisent MS Office, faire de même, etc.
  • Convertir en douceur : ne pas passer à un environnement entièrement Open Source, sous peine d’avoir une résistance au changement. Il vaut mieux faire par petites touches, en remplaçant un premier logiciel par son équivalent libre, puis un autre, et ainsi de suite jusqu’à n’avoir que le système d’exploitation à changer. Bien sûr, lors de la phase des changements de logiciel, il faut prévoir l’utilisation de logiciel disponibles sous Windows et Linux.
  • Le passage au libre n’implique pas plus d’effort que l’utilisation d’une solution non libre, en effet, dès qu’on a des logiciels d’entreprise avec des fonctionnalités poussées, qu’ils soient libres ou propriétaires, il y aura souvent un investissement en temps et en compétence à fournir. Exemple simple : qu’on utilise une base de données Oracle, propriétaire, ou PostgreSQL, Libre, il y a forcément un temps d’apprentissage, voir même un poste de travail à créer spécifiquement dans les deux cas.
  • La possibilité d’adapter l’existant pour créer son propre produit. C’est une force du monde Open Source. En fonction des licences, on peut étendre et donc créer un autre produit qui correspond mieux aux besoins de l’entreprise, et qui du coup peut potentiellement être utilisé comme un nouveau produit que l’entreprise peut commercialiser.
  • Pérennité : choisir une solution propriétaire n’est pas un gage de pérennité, si le business model de l’entreprise prestataire change avec pour conséquence la suppression d’un produit ou le changement de prix en hausse, ses clients seront forcés de s’adapter. Dans le monde du logiciel libre, si une solution à une base en nombre d’utilisateurs suffisant, alors au pire, si le produit change, un fork (un dérivé reprenant l’original) sera créé. Ce fut le cas lors du rachat de la base de données MySQL par Oracle. Par crainte d’un changement de licence futur, un fork fut créé par la communauté, créant ainsi MariaDB et sa Fondation.

Conclusion

Il y a beaucoup de chemin à faire encore, et sur différents plans :

  • Moins dépendre des géants comme les États-Unis, la Chine et la Corée.
  • Convertir les PME au numérique et au libre, si possible.
  • Vulgariser au mieux le monde numérique pour montrer le potentiel dont peuvent tirer partie les PMEs.

Et vous, votre entreprise, elle est présente sur le net ? Utilise-t-elle ou a-t-elle besoin des logiciels libres ? Est-elle en recherche de nouveaux clients ? Voilà quelques bonnes questions à se poser.

Photo de NESA by Makers sur Unsplash